Les Chants de Taos Amrouche, chants berbères et musique kabyle de Kabylie. Les Chants de Taos Amrouche : Taos, la clairchantante
Nombreux sont, parmi les artistes et les intellectuels du milieu du XXe siècle, ceux qui ont salué le charisme de la belle Taos, et, à travers elle, ont accédé aux émotions poignantes de la résurgence du génie berbère, de son incarnation. Femme, Taos l'est par tous les pores de sa peau, par sa présence irradiante, son intelligence instinctive de la beauté, son sens de la lignée, mais aussi par ce don très particulier pour la transmission. Secrets confiés de lèvres à bouches, souffle à souffle, - « (.) d'âme à âme, jusqu'à la fin des temps » 1 - contes, berceuses, menus récits, l'éternité suspendue à la vibration, à l'émission du son.
Un son qui traverse les mondes souterrains, utérins, les alcôves de la vie et du savoir et envahit l'être aimé, le dépositaire, d'une sensation de tendresse et de durée, vertigineuse. Nous sommes porteurs d'un savoir commun très ancien, qui nous échappe et que seul le polissement de notre éducation vient effacer momentanément de notre conscience. La voix de Taos accomplit ce prodige de nous relier au fond des âges, de nous faire entrer en résonance avec le mystère de ces chants dont certains ont plus de quatre mille ans. Taos Amrouche a marqué son siècle, apposant le sceau de sa dignité, de sa sensibilité sur une époque où tout est en péril mais où chacun semble l'ignorer. La colonisation,
l'industrialisation ont fait leurs ravages ; la décolonisation s'apprête à commettre le reste de cet irréparable. « Le peuple kabyle avait pu garder ses franchises contre tous ceux qui l'avaient soumis. Il résiste mal à la victoire mécanicienne. Ses traditions meurent peu à peu, et avec elle sa poésie. » 2 Mais Taos est une héritière. Elle est fille et petite fille, descendante d'une lignée d'aèdes, femmes aux caractères généreux et trempés. Femmes libres d'esprit, maternelles et aimantes qui lui permettront d'exprimer sa personnalité indépendante, ardente, son naturel de prêtresse.
La mère, la fille et l'esprit des ancêtres
Taos a de qui tenir. Sa mère, Fadhma Aïth Mansour, et sa grand-mère, Aïni Aith Lâarbi-ou-Saïd, pour ne remonter qu'au XIXe siècle sont des battantes-nées. Ainsi l'aïeule, Aïni, a eu un enfant de l'amour, qui, par un curieux retournement sémantique, devient socialement parlant un enfant « de la honte ». Née hors mariage, la petite Fadhma n'est pas reconnue par son père. Aïni doit se battre pour affronter l'opprobre, pour l'élever seule. Elle brave la pression sociale, accepte sa différence et confie sa fille tout d'abord aux Sours Blanches de Ouadhias puis à l'école laïque de Taddert-ou-Fella, près de Fort National où celle-ci passera une bonne partie de son enfance et de son adolescence. Jusqu'à ce que l'école - pilote pour l'époque -, ferme ses portes et la renvoie au village maternel. Le temps de s'instruire intimement des choses des femmes et de la vie : travail de la laine, cuisine, tissage, poterie. Elle s'initie au chant à l'écoute de sa mère. A seize ans, elle repart pour intégrer un poste à l'hôpital, « chez les chrétiens » où elle ne se plaît guère. Elle vient de la « Laïque » et se trouve une fois de plus prise en étau, montrée du doigt. D'autres auraient sombré dans le désespoir.
Mais Fadhma trouve l'énergie dans sa vie intérieure, cultive son jardin de souvenirs bucoliques et maternels : sources, roches, torrents, cailloux, éléments dont toute la poésie kabyle est imprégnée. Puis elle reçoit le même jour le sacrement du baptême et celui du mariage en s'unissant à Belkacem Amrouche à l'âge de dix-huit ans. Belkacem Amrouche, amoureux d'elle dès le premier regard, est originaire d'Ighik-Ali, un village de la Petite Kabylie. Confié aux Pères blancs, il a été baptisé à l'âge de cinq ans. Déjà fiancé dans son village, il défie lui aussi l'interdit familial, nouvelle transgression, que devra à nouveau assumer Fadhma. Le couple vivra en dehors du village puis émigrera à Tunis où Belkacem trouvera un emploi aux Chemins de Fer tunisiens. La famille déménagera onze fois en l'espace de quelques années
source:
http://tadjenanet.free.fr/beni-ouartilene